mardi 29 novembre 2011

sa vie dans les livres

 
Je me souviens, j’ai trente ans, je lis Passion simple,d’Annie Ernaux. Je découvre qu’on peut aimer comme ça, dans l’abîme de soi…Enfin, je ne le découvre pas, je le sais, je le sens, je sens surtout que je suis très précisément en train d’y aller … Et ce texte si beau me dit le possible de cette façon d’aimer. Et si je le lis dans un livre, c’est bien la preuve … je ne sais pas de quoi, que je peux le vivre, moi aussi. Si c’est digne de la littérature, ça vaut le coût d’être vécu …

Je me souviens, j’ai trente sept ans, je lis Trois chevauxd’Erri de Luca. C’est l’heure de la sieste, un après-midi de vacances dans une région chaude, je ferme le livre et alors je sais que je vais enfourcher mon deuxième cheval et aller dans la vie, à nouveau, avec l’homme qui dort à côté de moi.

Je me souviens que j’aime les livres quand ils me parlent de ma vie.

dimanche 20 novembre 2011

l'odeur des pommes cuites

Je me souviens du gâteau aux pommes de ma grand-mère. Ce dont je me souviens très exactement, c’est de l’odeur. Nous vivions en Bretagne, toute la cuisine familiale se faisait au beurre salé ! Il y avait souvent des monceaux de pommes, chez ma grand-mère, qui provenaient de jardins amis. De petites pommes véreuses et odorantes qu’elle faisait cuire en compote, avec du sucre et du beurre salé ! Il arrivait qu’elle ne fasse pas trop cuire les pommes et elle glissait les morceaux de fruit beurrés dans une pâte à quatre quarts (qui contenait elle aussi du beurre, si, si). Pendant que ça cuisait et sentait bon, j’avais le droit de lécher la cuillère en bois et la pâte crue restée dans le grand bol de préparation. Je crois qu’elle en laissait exprès un peu plus pour moi. Aujourd’hui, c’est tout pareil ! Je lèche la cuillère et le plat dans lequel il reste toujours de la pâte malgré l’invention idiote de la spatule en plastique souple. Je mets moins de beurre par culpabilité, et une farine bise ou d’avoine remplace une farine blanche, par goût. Elle faisait aussi des fars aux pruneaux dans le plus grand des plats Pirex qu’elle possédait et pour que les pruneaux ne tombent pas au fond du plat, elle … enfin, on verra ça une autre fois.

lundi 14 novembre 2011

des cheveux courts


Je me souviens que j’ai une autre histoire de cheveux courts, les miens. J’ai six ans, je sais qu’on va partir vivre dans un pays chaud. Ma mère me dit qu’on va aller chez le coiffeur toutes les deux se faire couper les cheveux, ce sera plus pratique là-bas. C’est un peu comme une fête, aller chez le coiffeur et me faire coiffer en même temps que ma mère, comme une grande. En fait, je passe la première, je suis assise sur un tas de magazines qui glissent. Des cheveux au creux des reins, je passe à la coupe très courte. Pour l’instant, ça va, tout le monde autour de moi est enthousiaste. Pourquoi pas moi ? C’est au tour de mère, je m’impatiente dans la boutique. J’ai l’autorisation d’aller jouer sur le trottoir, devant. C’est presque fini et mon père ne va pas tarder à venir nous chercher en voiture. D’ailleurs, il passe devant moi et je lui fais signe, mais il ne me voit pas, pourtant, j’avais cru …Cette fois il s’avance sur le trottoir et me reconnaît, étonné. Très gentiment, en souriant, il dit qu’il est content d’avoir un petit garçon. Je fonds en larmes. On entre ensemble chez la coiffeuse, mon père désemparé de me faire pleurer, ma mère enfile sa veste. Elle a les cheveux longs !