mercredi 30 mai 2012

des petits anges

 
Je me souviens, j’ai vingt ans. Je suis étudiante à Paris et l’été, je reviens chez mes parents en Bretagne. Je travaille, pendant deux mois, dans un village de vacances pour familles, au service « crèche » . Avec une équipe de jeunes étudiants, nous gardons des enfants de 3 mois à 4 ans. Je me souviens donc m’être occupée d’une petite Sue Ellen de quelques mois ! Je me suis toujours demandée comment elle prendrait le fait de porter le prénom d’une héroïne de série américaine dépressive et alcoolique ! Effectivement, l’univers peut être impitoyable. La  preuve : un bébé qui dort tout le temps, cela nous inquiète ; le papa, seul en vacances avec son enfant nous explique qu’il lui donne un peu de Valium pour ne pas qu’il nous dérange. Un bébé obèse qui n’entre dans aucun siège que nous possédons, nous n’avons d’autre choix que de le porter ou de l’allonger. Une maman qui nous explique qu’elle a récupéré son petit, hier, la couche à l’envers, le plastique collé à la fesse (est-ce ici que je précise qu’il y a des garçons dans notre équipe !). Le petit garçon qui vient chercher de l’aide parce qu’il a mal à son short (un petit fil de nylon rebelle le pique à un endroit particulièrement sensible). L’enfant qui reste avec nous, tous les jours, de l’heure d’ouverture à celle de fermeture, soit 12 heures d’affilées, la maman nous expliquant que ce service crèche est offert dans le prix, alors elle en profite et puis vous comprenez « je vais à la plage toute la journée, je ne peux donc pas l’amener». Non, on ne comprenait pas. On ne comprenait pas non plus le petit garçon couvert de gale, ni celui avec les traces de brûlures de cigarettes (les parents très en colère par nos signalements au médecin), la petite maman de quinze ans a qui nous expliquions qu’on ne gifle pas un si petit enfant …Mais il y avait aussi les triplés, blonds comme les blés et tout mignons, les quintuplés qui fonctionnaient en grappe, le plus grand me regardant avec envie lorsque je m’en allais et me demandant si « j’allais dans la maison de moi, voir la maman de moi », les parents encore tout à leur étonnement épuisé d’avoir cinq enfants de trois ans, ceux qui parlent déjà comme des grands, celui qui ne parle pas, mais trotte vite, champion hors catégorie de la trace de dents sur les bras, les joues des autres …
L’école de la vie, le temps de ce qui était cependant pour moi les vacances.

mardi 15 mai 2012

les demandes en mariage

 
Je me souviens, à l’âge de douze, j’avais déjà été demandée deux fois en mariage ! C’est le côté exotique de la vie africaine. Un vieux, très vieux chef de village qui trouvait absolument fascinant qu’à mon âge, j’aie déjà pris plusieurs fois l’avion. Il explique donc à mon père qu’il aimerait se marier avec moi, car ma présence à ses côtés assoirait encore un peu plus grandement sa position de chef. Bon, il a déjà quatre femmes. Il a donc un problème à résoudre avant de pouvoir m’épouser. Il faudrait que mon père me ramène dans quelque temps, peut-être que son problème se serait résolu de lui-même ! Mon père a expliqué le plus diplomatiquement possible que nous allions bientôt rentrer en France, où je devais continuer à aller à l’école …
L’autre prétendant est le propriétaire d’une petite boutique, sur le bord d’un trottoir, juste en face de chez nous. Il vend du pain, des cigarettes et des allumettes à l’unité, des sodas, des bouteilles d’eau ... Le pain ressemble à une baguette, mais le taux d’humidité aidant, on peut faire un nœud dans ce long morceau de pâte sans le casser ! (pourquoi mes parents achetaient ce truc ?) Il m’est arrivé un jour, en croquant dedans (croquer !) de mordre également dans le cafard qui avait cuit dans le pain. Et donc, cet homme, quand même plus jeune que le premier me demandait à chaque fois que j’allais acheter le pain si je ne voulais pas me marier avec lui. Je me souviens que cette demande réitérée m’angoissait. Même aujourd’hui, je suis incapable de savoir s’il plaisantait et s’amusait de ma peur ou pas ! Je ne voulais plus aller chercher le pain, ce que ma mère ne voulait absolument pas entendre, pensant, effectivement, qu’il se moquait de moi !
Finalement, mes parents m’ont ramenée avec eux en France et il a fallu que j’attende très longtemps avant qu’un homme me redemande en mariage. J’ai dit oui.