Je mange un bol de soupe et un muffin à l’orange confite en
écoutant la pluie tomber. Et aussi, je prépare le thé. J.B. Pontalis est mort
hier.
J’écoute à la radio Agnès Varda dire : "je n’ai jamais lutté
pour être belle, pour être jeune … »
Je vais deux fois au théâtre et n’aime pas trop ça (la
deuxième fois, sans honte, au quatrième rang, je m’endors sous le nez des
acteurs).
Je me souviens alors de la semaine passée et des robes des
danseuses fleuries et acidulées. On devine que la gaîté peut tourner à l’orage.
Les neufs couples avancent lentement aux petits pas déhanchés. La seconde fois,
les hommes retireront leur chemise et ensemble, ils iront s’allonger sur le
sable. Ce sera presque fini. Ils seront applaudis debout.
Je regarde les photographies prises au Rijksmuseum où j’ai
encore vu des citrons qui déroulent leur écorce le long des nappes blanches
recouvertes de pain, d’huîtres, de verres précieux de Venise à moitié vidés de
leur vin. Des cornets de papier remplis de poivre, de sel (je venais
d’apprendre à manger les huîtres rehaussées d’un tour de moulin de poivre).
Je vais à la cinémathèque voir un film d’Ernst Lubitsch.
Je « fais les soldes » et reviens avec des choses
marron et bleu, des choses que l’on peut mettre au printemps fou qui arrive
déjà (15° à l’heure où j’écris).
Je lis dans un livre qui parle du luxe « …le fameux jardin zen du temple Ryoanji, à
Kyoto, comporte onze pierres, dont l’observateur, où qu’il soit placé, en voit
toujours dix – jamais plus, jamais moins. Ce petit mystère constitue « la
part d’ombre » du jardin, qui laisse chacun en tirer la leçon qu’il
veut. »
Je me couche tôt, je ne m’enrhume pas, je rêve des lumières
d’hiver dans les appartements d’Amsterdam, je me souviens de la pause fika au
café Puccini et d’une certaine addiction à la tarte aux pommes ; aussi, de
la difficulté de B. à avoir une part de gâteau pour lui tout seul !