dimanche 24 mars 2013

de Séte à Lisbonne, mais pas seulement



Le restaurant des demoiselles dupuy est comble, la salade de poulpe à l’aïoli d’à côté est très correcte et le serveur charmant, nous laisse le pichet de vin blanc à disposition, ce qui ne manquera pas de nous rappeler, un autre midi,  cette morue à l’ail et à l’huile d’olive de Lisbonne (quel merveilleux souvenir !) accompagnée de son litre de vin blanc que nous avons éclusé sans complexe un jour ensoleillé de décembre et dont nous avons évacué les vapeurs en parcourant la ville à pied, ce qui est physiquement très éprouvant, surtout avec un coup dans le nez !
Lisbonne fut donc la ville des expériences évaporescentes (oui, le vin blanc fait inventer des mots !).
La boutique est minuscule ; une fois entrés, f. et moi y sommes à l’étroit ! Un comptoir en bois nous sépare de l’homme qui va me faire essayer des gants. Il faut que je pose mon coude sur un petit coussin posé sur le comptoir recouvert d'une plaque de verre, l’avant-bras levé, les doigts légèrement écartés. J’ai choisi cinq, six paires, l’opération se déroulera donc cinq, six fois. Je ne touche pas les gants, c’est homme qui les enfile à ma main, prenant le temps de faire glisser le tissu entre chaque doigt, c’est très lent et, comment dire, très troublant … Il vante les mérites de chaque choix en portugais, je ne comprends rien, entends juste un son qui va bien avec les gestes …
J’adore cette paire de gants de cuir marron et de tissu orange achetée ce jour-là. Je ne la mets pratiquement jamais, mais la regarde souvent d’un air ému.
F. achètera des chaussures dont l’essayage ne me laisse aucun souvenir ! et qu’il met peu aussi, alors qu’elles lui siéent à merveille. Mais f. et les chaussures c’est très compliqué (pour être honnête, la phrase exacte devrait être f., ses chaussures et moi, c’est compliqué), sauf quand il les achète avec b. à Amsterdam. C’est le côté snob de f., les chaussures s’achètent à l’étranger, on ne ramène jamais les boîtes. On avait essayé à Hanoï, mais au bout de la trentième boutique, il avait bien fallu s’avouer que nous ne trouverions jamais la taille. Il me reste un an et demi pour le convaincre de s’acheter des jika-tabi qu’il ne mettra jamais non plus.

vendredi 1 mars 2013

de février

  -->
Le printemps s’invite au premier jour du mois pour disparaître ; le 24, il neige. J’attends des bottines bleu printemps, je perds ma voix et ne peux donc presque pas parler avec l’amie de passage ! On me vole mon sac à main et je perds ainsi le fil du livre que je lisais. Je rêve de ce sac, cercueil reposant au fond de l’eau ! les mitaines si fines avec un petit trou au pouce, la pochette à fleurs, les images à jamais perdues (inestimables) dans l’appareil photo (estimable), perdu aussi, les lunettes jaunes que f. avait choisi pour moi. Je vois un film sublime qui parle de l’histoire folle du siècle passé, histoire qui empêche d’être au monde encore aujourd’hui, peut-être. 
En février, il y a une alerte à la bombe sur la place centrale, je ne peux rentrer chez moi que tard le soir, le lendemain, un homme descendra de son quatre-quatre pour nous dire, à f. et moi, de fermer nos grandes gueules ! Un cycliste qui roule sur le trottoir m’insulte car il doit foncer sur les tables et chaises d’une terrasse pour m’éviter … Je trouve ce petit mois de février bien trop long et fatigant.
Mais heureusement c’est encore l’heure des soupes de potiron – châtaigne, des tisanes de thym, des recettes de curry de légumes. C’est aussi le temps des amies qui viennent partager quelques jours autour de dîners, de petits-déjeuners bavards.
Le garçon qui me vend mes nouvelles lunettes de soleil porte des bottines marron et une chemise à carreaux. Nous prenons notre temps et j’écoute ses conseils. Elles s’appellent Satori et c’est parfait. Ce même et dernier jour du mois, je vais chercher une partie de mes affaires volées aux objets trouvés et je retrouve la pochette à fleurs et le fil de ma lecture : «  Voilà comment ça se passe, en général, on broie sans fin tous nos souvenirs, les bons et les mauvais, les plus affreux comme les meilleurs, les moyens et les minables, forcément, tous, ceux des jours de fête et ceux des nuits de larmes – le satin des matins et la soie des soirs, ça diminue, ça s’estompe dans les petits lointains de la vie, puis ça finit par se dissoudre et disparaître complètement au fin fond des éternités, pfuitt, oubliées. Pok. »