samedi 22 février 2014

la huitième semaine



Où il est hélas temps de constater que certaines résolutions de début d’année ne sont pas tenues : écrire toutes les semaines, par exemple …
D’autres oui, lire, aller au cinéma. Ainsi, l’année avait commencé férocement avec The touch of sin.
Mais c’est parce que Seuls, les amants restent vivants que j’ai à nouveau eu le goût d’écrire (et aussi parce qu’Y. l’a demandé, et j’ai du mal à résister aux demandes de cette amie qui pourrait tout à fait écrire certains billets d’ici, tant la correspondance est forte).
Donc de la douceur de l’amour des amants entre eux. Cette douceur traverse les âges et garde en vie, surtout quand la vie, hein, on s’demande bien pourquoi continuer (pour cette semaine : demande d’interdiction d’un film à la télé, demande d’interdiction d’une pièce chorégraphique, car les danseurs sont nus, demande de ne plus payer le statut d’intermittents du spectacle , demande de retirer certains livres des bibliothèques … pour ne parler que d’un triste état d’esprit français apeuré et fascisant … tout bien réfléchi, ça ne donne pas envie de mourir, ça donne envie de distribuer des baffes). Mais moi, la douceur des amants et le travail des artistes me maintiennent en vie. Alors je lis des livres (ha, le premier plan du film, l’antre d’Eve ou quand elle prépare la petite valise pour le voyage) et je vais voir des films où la douceur des amants me porte dans sa langueur et me dit que quoiqu’il en soit, cela durera, si je crois encore en la puissance du chant et de l’amour.

J’ai aussi eu une semaine parisienne (entre la 6 et la 7) et pu vivre, l’avant dernier jour, un moment si doux. Il est 10h29 lorsque j’achète mon billet et m’interroge sur ce couple qui déjà sort de l’exposition, alors que l’entrée se faisait à 10h. ? Mes réflexions sur la cécité ne durent pas. Accueillie à grands pans de mur bleu, je marche dans les taches rouges : les filles de Buenos Aires, les hommes et les femmes d’Ethiopie, les petites filles jaunes du Chili, les cieux de Glasgow … et surtout, surtout, ce « mur vide ». Bolivie, Equateur, Ethopie, France, l’élégance du vide, de ces tables qui attendent, de ces cantines dérisoires, le petit couvert bleu posé de biais, des tables, des cuisines, des lavabos, des rouges, des jaunes, des blancs, des chiens, des murs bleus, encore. J’entends la femme à côté de moi dire qu’elle sent les odeurs d’Ethiopie, des cuisines boliviennes, celles de la ferme du Garet (1984) avec sa casserole émaillée jaune qui ressemble tant à celle du Chili (2004).
J’entends aussi celle qui râle « un quart d’heure devant pour écrire au lieu de regarder, pendant ce temps, ça n’avance pas ». C’est vrai, pourquoi ne pas tous regarder une exposition au même rythme (à condition que ce soit le mien) et en rang ?
Mais j’oublie, j’oublie. Et découvre qu’il peut faire froid en Ethiopie. Heureusement que ces grands draps blancs de tissu noir brodé protègent les corps. Je découvre qu’après le bruit des tirs dans le Liban des années 70, le fauteuil défoncé dans la pièce dévastée et si calme, semble m’attendre. Je pars déjeuner tranquillement et m’en vais lire la solitude heureuse du voyageur.

Et puis j’ai fait une tarte aux pommes que f. a trouvé bonne et ça, c’est du bonheur, parce que sa grand-mère était championne en la matière et c’est pas facile de lutter contre une grand-mère championne.

Pour la lecture, ça a été ça : elle demande « Et vous, comment lisez-vous ? ». Elle répond : « Je lis la nuit, jusqu’à trois, quatre heures du matin : l’obscurité, le noir autour de soi, ça ajoute beaucoup à la passion absolue qui s’établit entre le livre et nous. Vous ne trouvez pas ? La lumière du jour disperse les intensités en quelque sorte. »

Oui, c’est ça, Jim, la nuit, entre les livres et nous.

Sinon, l’année avait commencé par cette très belle image : dans le jardin d'Andreï, il pleut dans les tasses à thé.