Où il est hélas temps de constater que certaines résolutions
de début d’année ne sont pas tenues : écrire toutes les semaines, par
exemple …
D’autres oui, lire, aller au cinéma. Ainsi, l’année avait
commencé férocement avec The touch of sin.
Mais c’est parce que Seuls, les amants restent vivants que
j’ai à nouveau eu le goût d’écrire (et aussi parce qu’Y. l’a demandé, et j’ai
du mal à résister aux demandes de cette amie qui pourrait tout à fait écrire
certains billets d’ici, tant la correspondance est forte).
Donc de la douceur de l’amour des amants entre eux. Cette
douceur traverse les âges et garde en vie, surtout quand la vie, hein, on
s’demande bien pourquoi continuer (pour cette semaine : demande d’interdiction
d’un film à la télé, demande d’interdiction d’une pièce chorégraphique, car les
danseurs sont nus, demande de ne plus payer le statut d’intermittents du
spectacle , demande de retirer certains livres des bibliothèques … pour ne
parler que d’un triste état d’esprit français apeuré et fascisant … tout bien
réfléchi, ça ne donne pas envie de mourir, ça donne envie de distribuer des
baffes). Mais moi, la douceur des amants et le travail des artistes me
maintiennent en vie. Alors je lis des livres (ha, le premier plan du film, l’antre d’Eve ou
quand elle prépare la petite valise pour le voyage) et je vais voir des films où
la douceur des amants me porte dans sa langueur et me dit que quoiqu’il en
soit, cela durera, si je crois encore en la puissance du chant et de l’amour.
J’ai aussi eu une semaine parisienne (entre la 6 et la 7) et
pu vivre, l’avant dernier jour, un moment si doux. Il est 10h29 lorsque
j’achète mon billet et m’interroge sur ce couple qui déjà sort de
l’exposition, alors que l’entrée se faisait à 10h. ? Mes réflexions sur la
cécité ne durent pas. Accueillie à grands pans de mur bleu, je marche dans les
taches rouges : les filles de Buenos Aires, les hommes et les femmes
d’Ethiopie, les petites filles jaunes du Chili, les cieux de Glasgow … et
surtout, surtout, ce « mur vide ». Bolivie, Equateur, Ethopie,
France, l’élégance du vide, de ces tables qui attendent, de ces cantines
dérisoires, le petit couvert bleu posé de biais, des tables, des cuisines, des
lavabos, des rouges, des jaunes, des blancs, des chiens, des murs bleus,
encore. J’entends la femme à côté de moi dire qu’elle sent les odeurs
d’Ethiopie, des cuisines boliviennes, celles de la ferme du Garet (1984) avec sa
casserole émaillée jaune qui ressemble tant à celle du Chili (2004).
J’entends aussi celle qui râle « un quart d’heure
devant pour écrire au lieu de regarder, pendant ce temps, ça n’avance
pas ». C’est vrai, pourquoi ne pas tous regarder une exposition au même
rythme (à condition que ce soit le mien) et en rang ?
Mais j’oublie, j’oublie. Et découvre qu’il peut faire froid
en Ethiopie. Heureusement que ces grands draps blancs de tissu noir brodé
protègent les corps. Je découvre qu’après le bruit des tirs dans le Liban des années
70, le fauteuil défoncé dans la pièce dévastée et si calme, semble
m’attendre. Je pars déjeuner
tranquillement et m’en vais lire la solitude heureuse du voyageur.
Et puis j’ai fait une tarte aux pommes que f. a trouvé bonne
et ça, c’est du bonheur, parce que sa grand-mère était championne en la matière
et c’est pas facile de lutter contre une grand-mère championne.
Pour la lecture, ça a été ça : elle
demande « Et vous, comment lisez-vous ? ». Elle répond :
« Je lis la nuit, jusqu’à trois, quatre heures du matin :
l’obscurité, le noir autour de soi, ça ajoute beaucoup à la passion absolue qui
s’établit entre le livre et nous. Vous ne trouvez pas ? La lumière du jour
disperse les intensités en quelque sorte. »
Oui, c’est ça, Jim, la nuit, entre les livres et nous.
Sinon, l’année avait commencé par cette très belle
image : dans le jardin d'Andreï, il pleut dans les tasses à thé.